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Histoire du Vin en Gaule : Rites Celtiques, Symboles Abstraits et Conquête Romaine

Publish on 08.01.24 by Elie

Au commencement du vin

Né il y a huit mille ans dans le fertile berceau du Proche-Orient, le vin a traversé les plus grandes civilisations de l’Antiquité : mésopotamienne, égyptienne, grecque, étrusque, romaine, celte… Des premières cités néolithiques à la chute de l’Empire romain, de Noé à Dionysos, il symbolise la civilisation offerte aux Hommes. La culture viticole s’est étendue sur des milliers de kilomètres, des rives de l’Atlantique à celles de l’océan Indien. Le vin a inspiré d'illustres chefs-d’œuvre et raconte l'histoire des peuples antiques, témoignant des échanges culturels, des routes commerciales et des avancées technologiques et sociales.

Le génie humain

Les premiers actes de l’Histoire du vin se déroulent au Proche-Orient, berceau de l’agriculture et de l’écriture. Les textes mentionnent rapidement son existence, comme dans l’Ancien Testament, où Noé régale les ouvriers de l’Arche. Avec un taux d’alcool plus élevé que la bière issue de la fermentation des céréales, le vin se conserve mieux. À cette époque, d'autres boissons fermentées à base de fruits (baies de sureau) ou de miel (hydromel) existaient. Selon l'agronome romain Columelle, le raisin était agrémenté de divers ingrédients tels que du moût, du sel, du gypse, du marbre, des aromates, de la résine ou de la poix. Le vin des Anciens surprendrait le palais d’un amateur du XXIe siècle !

Les prémices du vin humain

L'avènement du vin est probablement attribuable au hasard, émergeant du fruit de la vitis vinifera, dont le jus fermente naturellement. Son histoire prend racine au Néolithique, marqué par la domestication de la vigne sauvage et la découverte de méthodes pour contrôler la fermentation du raisin. Les premiers vins, identifiés grâce à la présence de résine de térébinthe (acide tartrique) dans des céramiques à Hajji Firuz Tepe en Iran, remontent à 7 500 ans. Cette résine, agent conservateur et parfumant, prévenait surtout la transformation du vin en vinaigre. Sur des sites archéologiques, l'abondance de pépins indique que les personnes du Néolithique étaient de fervents amateurs de raisin sauvage, susceptible de se transformer en vin. La transition de la vigne sauvage à la vigne cultivée aurait eu lieu entre le VIe et le Ve millénaire avant notre ère. Il y a 8000 ans, les humains produisaient, stockaient, consommaient et échangeaient déjà du vin dans les régions montagneuses du Moyen-Orient (Zagros) et de Transcaucasie.

Les racines génétiques de la vigne cultivée

En 2023, des scientifiques ont élucidé le génome de 1600 variétés de vignes cultivées (cépages) et de 840 vignes sauvages (lambrusques). Ils ont ainsi révélé les deux origines de la domestication de la vigne sauvage (Vitis sylvestris), donnant naissance à la précieuse vigne à vin (Vitis vinifera) et au raisin de table. L'analyse génétique indique que cette domestication a débuté simultanément il y a 11 000 ans, dans des régions géographiques distantes : l'Asie occidentale et le Caucase. Les premiers vignerons ont sélectionné les raisins les plus volumineux et juteux, amorçant ainsi l'un des premiers échanges mondiaux de biens. Peter Nick, co-auteur de l'étude publiée dans la revue Science, souligne que la domestication de la vigne a joué un rôle majeur dans l'évolution de la civilisation.

Nectar des Dieux

En tant que privilège des divinités et des puissants, boire et partager ce "sang de la terre" confère une part d'immortalité. Du culte d'Osiris à celui du Christ, en passant par Dionysos, le vin est l'emblème des dieux renaissants. Utilisé en libation ou offert généreusement lors des festins, le vin devient un instrument du pouvoir. Les souverains et les élites se distinguent par la possession de somptueux services à boire, exhibés de leur vivant lors des banquets et accompagnant souvent leur repos éternel dans le secret de leur tombe.

Offrir à boire aux Dieux et aux défunts est un devoir sacré pour tous, qu'ils soient riches ou pauvres. Les temples et les nécropoles regorgent de vin pour apaiser leur soif. Chaque repas, chaque rituel inclut des libations de vin, impliquant le "sacrifice" d'une portion du liquide avant sa consommation. Il est versé dans le sol pour nourrir les divinités souterraines, favorisant la fertilité du sol, ou brûlé sur l'autel pour hâter son ascension vers l'Olympe. Dans les deux cas, la libation se fait à l'aide d'une coupe hémisphérique (phiale) ornée d'un ombilic central symbolisant l'origine du monde. Image : Situle étrusque utilisée pour les libations aux Dieux, Bronze, Ve siècle av. J.-C., Musée des Antiques, Toulouse

De l'Orient à l'Occident

Le vin des Pharaons Une fois domestiquée, la vigne peut quitter son milieu naturel, et le vin conquiert de nouveaux territoires (et de nouveaux adeptes). Partie du nord du Croissant Fertile, la viticulture se développe vers le sud jusqu'en Égypte. Les premières traces de la culture de la vigne apparaissent au cours des deux premières dynasties thinites (-3100 à -2700). Initialement un produit d'importation réservé aux souverains et à leurs proches pour l'au-delà, le vin égyptien n'était pas la boisson des ouvriers des pyramides, qui préféraient la bière.

Progressivement, la production locale de vin se développe, démocratisant sa consommation. Cependant, il ne devient pas la boisson nationale égyptienne. Il reste plutôt associé aux envahisseurs tels que les Hyksos, les Grecs, ou les Romains, qui importent même le vin égyptien.

À partir de la Mésopotamie et de l'Égypte, la viticulture se répand dans les îles de la mer Égée : Crète, Chypre, Asie Mineure.

Le nectar des Grecs

En Grèce, la culture de la vigne représente la Culture, celle des hommes "civilisés" capables d'exploiter la terre et de cultiver ses fruits avec la bénédiction des Dieux. Tout comme l'olivier ou le blé, la vigne est un don divin désignant un peuple élu, investi d'une mission civilisatrice.

Le vin occupe une place centrale dans la littérature grecque, inspirant de nombreux mythes liés à Dionysos et son cortège composé de Pan, Silène, nymphes, ménades, satyres et centaures. Les grands crus grecs sont réputés dans toute la Méditerranée. Source de plaisirs, le vin est également un poison mortel qu'il convient de doser en le mélangeant à de l'eau. Le cratère, un grand vase à deux anses, est l'emblème de la culture du vin en Grèce, utilisé pour diluer le vin.

Dionysos

Né de la cuisse de Zeus unie à Sémélé, Dionysos apporte le vin aux peuples qui ne le connaissent pas encore. Il parcourt la Méditerranée avec son joyeux cortège de satyres et de ménades au son d'"évohé", signifiant "à boire" ! Parmi les dieux de l'Olympe, Dionysos est le plus proche des hommes et de leurs défauts. Il incarne à la fois les plaisirs et les excès du vin. Comme les buveurs, il peut se montrer violent et difficile à maîtriser. Les orgies qu'il préside peuvent entraîner des dérives sanguinaires, comme dans le cas d'Orphée et du roi Penthée.

Du bon usage du vin

Chez les Grecs, qui considèrent le vin comme l'origine de leur civilisation, il est également perçu comme un danger. L'ivresse menace les principes fondateurs de la cité tels que la loi, l'ordre et la modération, nécessaires à la vie en démocratie. Sa consommation est donc réglementée, tolérée uniquement dans des occasions particulières comme les Dionysies, des processions annuelles dédiées au Dieu du vin.

En privé, le vin est bu lors du symposium, la "fête du boire ensemble", qui rassemble les buveurs après les repas. Réservé à l'aristocratie puis devenu un passe-temps bourgeois et masculin, le symposium se déroule couché sur des litières (klinés) le long des parois d'une pièce. L'égalité entre les convives est symbolisée par un grand vase (cratère, lebes, stamnos) au centre de la fête. Le vin et l'eau y sont mélangés selon des proportions définies d'un commun accord entre les convives. Servi dans des vases à boire variés (skyphos, canthare, kylix, phiale, rhyton), le breuvage est accompagné de somptueux services à boire, de mobiliers luxueux, d'étoffes précieuses, de peintures murales, d'essences parfumées, de dialogues philosophiques, de jeux de société et de prostituées, contribuant à l'expérience sensorielle complète.

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